Jusqu’au 22 janvier prochain, le Musée d’Orsay présente une exposition entièrement consacrée au peintre norvégien Edvard Munch (1863 – 1944).

Munch jouit d’une popularité finalement assez étrange auprès du grand public ; son nom est immédiatement associé au Cri (1893), oeuvre iconique qui fascine les foules et assurait d’avance le succès de l’exposition. Et de fait, l’affluence est assez extraordinaire pour un peintre du reste si peu connu. Ironie du sort, Le Cri n’est d’ailleurs pas exposé ici, à l’exception d’une petite lithographie datée de 1895, ce qui aura le mérite d’attirer l’attention sur le reste de son oeuvre et, espérons-le, ne plus réduire l’artiste à un seul tableau. Car on découvre ici tout ce qui rend Munch si singulier et sa dextérité à travailler différentes techniques de peinture, de gravure et de dessin. Son oeuvre est fortement ancrée dans la tradition de la peinture scandinave, notamment par sa luminosité et sa capacité d’introspection, et tout autant influencée par les mouvements d’avant-garde, par son expressivité, son pouvoir symbolique et l’autonomie qu’il donne à la couleur. Le ton est donné d’ailleurs dès le début de l’exposition, avec l’accrochage dans la première salle de son célèbre Autoportrait à la cigarette (1895), qui nous met d’emblée face à une vision sans fard de l’artiste. Le parcours permet ensuite au visiteur de cerner ses inquiétudes, d’abord autour du décès de sa soeur aînée avec la toile L’Enfant malade puis à travers sa Frise de la vie, une série de peintures qui rassemble les sujets existentiels qu’il ne cessera d’explorer : l’amour, l’angoisse, la trahison, la mort.


L’exposition parvient ainsi à dévoiler le côté obscur qui alimentera les toiles de Munch tout au long de sa carrière, et à donner du sens au Cri en tant que partie d’un tout, en cohérence avec les thématiques et les questions formelles qui nourrissent sa réflexion. Elle met ainsi en valeur le caractère répétitif de certains motifs, que Munch reprend et reformule comme si la toile contenait la réponse à ses préoccupations existentielles et qu’il ne cessait de l’interroger. On remarque à travers la juxtaposition de ces toiles que Munch a construit de nombreuses oeuvres sur le même modèle, en plaçant ses personnages au premier plan avec une perspective tout aussi puissante qu’hasardeuse, qui happe l’oeil du spectateur pour le mener au second plan et crée un effet narratif déstabilisant. Sa touche expressive, franche, parfois tourbillonnante entraine le spectateur à la découverte d’un univers pictural inclassable et sombre. Une exposition indispensable pour comprendre l’artiste avec toutefois un bémol : la gestion passable de l’affluence qui ne permet pas une visite sereine, mais qui ne doit pas décourager d’aller à la rencontre d’un artiste si rare.
Note :
Informations pratiques
Edvard Munch. Un poème de vie, d’amour et de mort. Jusqu’au 22 janvier 2023, Musée d’Orsay, Paris. Informations et réservations sur le site du Musée d’Orsay.