Boldini, « les plaisirs et les jours »

Giovanni Boldini (1842 – 1931) est un peintre méconnu du grand public. En lui offrant une somptueuse retrospective (« Les plaisirs et les jours », jusqu’au 24 juillet prochain), le Petit Palais rend justice à cet artiste inclassable et à l’esthétique particulière.

Etiqueté peintre mondain, Boldini fut célébré en son temps avant de tomber quasiment dans l’oubli. L’exposition met non seulement en lumière sa carrière, mais montre aussi la grande versatilité d’un artiste qui s’est attaché à représenter la vie parisienne de la Belle Epoque. Au total, ce sont 150 oeuvres qui sont réunies et permettent de parcourir la vie de Boldini, essentiellement basée à Paris, là où le milieu artistique est en pleine ébullition. On y découvre évidemment les élégants portraits qu’il réalise pour la haute société et qui deviendront sa marque de fabrique. Boldini les peint ou les dessine avec une touche très personnelle, sinueuse, allongeant les formes qui perdent en réalisme pour gagner en expressivité et en dynamisme. On perçoit l’évolution formelle, avec des coups de pinceaux qui se brouillent parfois pour mettre en valeur autre chose : la personnalité du sujet. Au final, il devient difficile de cerner l’intention de l’artiste ; admire-t-il véritablement les personnes qu’il représente ou met-il plutôt en scène leur vanité et leur décadence en flattant ainsi leur ego ? Quoiqu’il en soit, il témoigne d’une société aux moeurs factices, à l’image du Comte de Montesquiou, dandy aux manières affectées dont le célèbre portrait figure parmi les toiles présentées.

Chose intéressante, l’exposition s’attarde aussi longuement sur les débuts de l’artiste, précédant la période des célèbres portraits, une époque où il se pose comme spectateur de la vie parisienne et du quotidien. Boldini aborde déjà timidement la question du dynamisme, mais c’est surtout ses talents de dessinateur extraordinaire qui se révèlent. Il peint de nombreuses scènes de genre, parfois en petit format, avec une touche délicate et précise et une palette aussi riche que lumineuse. L’influence de Degas est omniprésente mais Boldini reste à l’écart de l’impressionnisme. On sent très tôt une forme d’intimisme dans ses oeuvres, la volonté de percer la personnalité de ses sujets qui va au-delà de la simple anecdote. Ce n’est donc pas un hasard si Boldini s’est lié d’une profonde amitié avec le peintre Paul-César Helleu (1859 – 1927), auteur de nombreux portraits mondains, et de l’illustrateur et caricaturiste Sem (1863 – 1934), deux artistes également évoqués dans cette exposition.

Boldini l’a dit lui-même : « J’ai peint tous les genres ». La découverte de quelques natures mortes viennent confirmer sa capacité à aborder une large variété de sujets tout en conservant son style si particulier et sa recherche de dynamisme. Dans sa quête de mouvement et d’expressivité, Boldini s’approche d’une forme d’abstraction et fait un lointain écho au futurisme. Cette exposition a donc l’immense mérite non seulement de faire connaître son oeuvre au grand public, mais aussi de l’extraire d’un raisonnement trop réducteur et qui a sans doute contribué à son oubli. Indépendant des grands mouvements artistiques de l’époque, sa sensibilité reste en marge des courants et sa recherche plastique peut sembler timide, inaboutie. Il n’empêche qu’il reste un observateur de son époque à l’écoute de certaines réflexions formelles contemporaines.

Giovanni Boldini, Scène de fête au Moulin Rouge, vers 1889, huile sur toile, Musée d’Orsay, Paris

Un seul regret ? Le dialogue avec d’autres artistes contemporains est absent de l’exposition, en dehors de Sem et Helleu, qui permettrait aussi une mise en contexte plus lisible. Il n’en reste pas moins un très beau témoignage du Paris de la Belle-Epoque.

Note :

Informations pratiques

Giovanni Boldini, les plaisirs et les jours, jusqu’au 24 juillet 2022, Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Informations et réservations sur petitpalais.paris.fr

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